17 mai à Paris : Quel avenir pour le droit du travail après les élections présidentielles et législatives ?

Par Collectif Roosevelt, le 4 juillet 2017

 

 

Rencontre organisée par le Collectif Roosevelt – groupe local Paris-Belleville

« Quel avenir pour le droit du travail après les élections présidentielles et législatives ? »

mercredi 17 mai 2017 – Centre Anim’ – Place des fêtes – Paris

Notes Annie FLEXER, Collectif Roosevelt

 

Intervention d’Emmanuel DOCKES

Professeur de droit à l’Université Paris-Nanterre, membre du GR-Pact

Droit du travail : état des lieux et alternatives

Le Code du travail actuel est constitué d’une accumulation de textes et de modifications, que la loi dite El Khomri a encore complexifié en augmentant de 25 % les textes modifiés. Or la complexité n’est pas une protection.

Le GR-Pact – Groupe de recherche pour un autre code du travail – fondé en 2015 autour de 22 universitaires essentiellement spécialisés en droit du travail, a publié en mars 2017 une proposition de code du travail simplifié, 4 fois moins volumineuse que le code en vigueur.

L’objectif : proposer un code simple, protecteur et différent, adapté au monde actuel et à la complexité de la vie des travailleurs. Toutes les propositions y sont précédées d’un argumentaire.

Comment peser sur le nouveau gouvernement ? L’élaboration de cette proposition s’est faite en dialogue avec les syndicats (CGT, CFE-CGC, Solidaires…) qui l’utilisent déjà comme base d’argumentation. On peut donc prévoir qu’elle servira dans les négociations à venir autour de la modification du code du travail, notamment sur 3 grands sujets annoncés, radicalement opposés à l’orientation de la proposition :

  • défiscaliser et diminuer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires ; conséquence : concentration du travail sur les mêmes personnes, augmentation du chômage ; proposition : réduction du temps de travail, flexibilité
  • donner plus d’importance aux négociations d’entreprise ; conséquence : destruction de la loi par les conventions collectives, augmentation des inégalités ; proposition : règles communes à tous.
  • plafonner les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; conséquence : favorisation de l’arbitraire, situations illégales dégoûtantes pour les travailleurs – sécurisation des employeurs qui violent la loi, autorisation de licencier sans motif ; proposition : sanction sévère en cas de violation de la loi

 

Intervention de Delphine BLONDIN

Coordinatrice générale du groupement d’entreprises GE Paris Culture

Pourquoi les groupements d’employeurs se développent aujourd’hui ?

Un groupement d’entreprises est utile quand des besoins similaires en compétences sont présents dans plusieurs entreprises, qui ne peuvent pourtant y affecter un temps plein. Plusieurs entreprises se regroupent pour embaucher en CDI une seule personne. Outre l’intérêt du CDI, cette formule peut servir de tremplin à des jeunes fraîchement sortis de leurs études pour entrer sur le marché du travail et commencer à se constituer un réseau de relations.

Le GE Paris Culture, créé en 2005, dépasse le rôle du GE en proposant un accompagnement par la formation continue. Sa promotion en est assurée essentiellement sur le web. Son financement se fait par une micro-participation sur les salaires.

Un exemple d’application : un service de remplacement auprès de libraires et disquaires, qui connaissent des fluctuations de besoins, plus ou moins saisonnières (à l’instar de saisonniers agricoles, qui ont en partie inspiré la formule proposée).

Quelle évolution possible pour les groupements d’employeurs ?

La participation à un groupement oblige les employeurs à prendre conscience de la situation centrale de l’humain dans le travail, à travers leur statut des co-employeurs et la gouvernance partagée.

On peut envisager une évolution vers des formes associatives ou coopératives. Il reste cependant une grosse mission d’accompagnement des employeurs et des salariés partagés – qui jouent aussi un rôle de consultant – pour expliquer la logique de moyen et long terme, au lieu de celle de l’urgence.

 

Intervention de BIGRE ! (Anne-Laure DESGRIS et Noémie GRENIER)

« 4 SCOP et une SCIC ont décidé de s’unir pour construire une entité commune de 7000 personnes »

Vers de nouvelles formes de protection : mutuelle de travail associé, qu’est-ce que c’est ?

Anne-Laure DESGRIS

Les coopératives d’entrepreneurs, telles qu’Oxalis, existent depuis 20 ans.

Bigre ! Réunit 4 SCOP et une SCIC (SMART Fr, branche française de la coopérative culturelle belge SMART) constitue une nouvelle forme d’organisation économique et sociale en créant une mutuelle de travail axée sur l’autonomie des participants. Au sein de ce groupement sont mutualisées les fonctions support en matière de gestion, recherche, protection sociale, finance, gestion des statuts juridiques des personnes, etc.

Cependant il n’a pas résolu la question de la subordination salariale.

NB : en Belgique, SMART est devenue un interlocuteur officiel de l’État, et les conséquences sur les rapports de force ont été observées dès les premières expérimentations.

Noémie GRENIER

D’autres formes de travail de type coopératifs émergent, mais demeure la mise en concurrence des différents statuts alors qu’il faudrait faire front commun des travailleurs autonomes.

Comment se servir des organismes coopératifs pour amorcer un mouvement dans ce sens ?

Il ne faut pas s’appuyer seulement sur la solidarité mais dégager les enjeux communs par rapport au travail à défendre, inventer un « comment faire » à travers les expériences, sortir de l’échange « subordination contre droits sociaux ». On doit pouvoir être indépendant et avoir droit à une protection.

 

 

Conclusion 

– Emmanuel DOCKES –

En premier lieu prendre en compte 3 catégories de travailleurs, proposées dans le nouveau code :

  • salarié traditionnel subordonné
  • salarié en situation de dépendance économique, même si autonome (p. ex. ubérisés)
  • travailleur indépendant – à rattacher aux droits du code du travail.

On connaît aujourd’hui des mouvements alternatifs très diversifiés et intéressants, il faut à présent réfléchir à la généralisation des systèmes alternatifs.

– Delphine BLONDIN –

Plus que développer les groupements d’employeurs (dont l’appellation ne parle d’ailleurs pas à beaucoup de monde), il faut simplifier l’embauche et supprimer l’intérim.

Il y a là un rôle social importer à jouer, en misant sur les actions et les résultats plus que sur les statuts.

– Bigre ! –

Réecrire le code du travail ne suffit pas. Il faut arriver à substituer au capitalisme la liberté d’entreprendre, en supprimant les incohérences actuelles dues au capitalisme pour aller vers l’autogestion.

Il faut aussi sortir de la rupture entre traditionnel et alternatif, et faire valoir leur complémentarité. Certaines alternatives, marginales mais importantes, sortent des cadres juridiques et peuvent se construire en dehors en complément des systèmes existants. En regard, certaines PME et certains travailleurs indépendants se reconnaissent dans ces nouvelles valeurs. En ce sens, le code du travail alternatif est intéressant mais il faut pouvoir dégager du temps pour la reliance.