Belgique : Appel travailler moins pour vivre mieux et travailler tous !
En Belgique, l’heure est venue de reprendre le mouvement historique de la réduction collective du temps de travail (RCTT) en osant aller à l’encontre du discours dominant laissant croire que l’allongement du temps de travail est inéluctable (projet de loi Peeters, âge de la retraite à 67 ans, etc.) !
C’est l’objectif de cet appel initié par Roosevelt.Be avec 70 personnalités, indépendamment de tout parti politique, pour remettre cet enjeu essentiel au cœur du débat de société.
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Le travail produit cinq fois plus : qui en profite ?
Grâce aux technologies et à l’amélioration du niveau de qualification des travailleurs, la productivité a été multipliée par 5 en 50 ans [1]. Pour produire autant de richesse, il faut donc 5 fois moins d’heures de travail, tous secteurs confondus. Du jamais vu ! Mais qui a capté ces gains de productivité accrus : les entreprises, les actionnaires, l’Etat ou les travailleurs ?
Les « trente glorieuses » (1945-1975) ont été marquées par une forte croissance économique et l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre grâce à la RCTT, au développement de la sécurité sociale, à l’amélioration des services publics et à l’augmentation des salaires.
Mais, à partir des années ‘80, les gains de productivité ont été principalement captés par les actionnaires de grands groupes, un phénomène aggravé par une concurrence internationale exacerbée par la multiplication des accords de libre-échange. Cela a abouti à une précarisation des travailleurs salariés et indépendants, une explosion du chômage et du temps partiel non choisi, et un détricotage des conquêtes sociales.
Une société déprimée : pas d’alternative ?
En Belgique, sur ces 50 dernières années, le chômage a été multiplié par 4 [2] ! Parallèlement, les cadences ainsi que le stress au travail n’ont cessé d’augmenter. Près d’1 travailleur sur 4 ressent du stress excessif au travail. Près d’1 sur 10 souffre de burn-out. En 2016, pour la première fois, les dépenses d’invalidité au travail ont dépassé le budget des allocations de chômage. Et tout ça alors qu’on n’a jamais produit autant qu’aujourd’hui et que les profits n’ont jamais été aussi élevés. Le problème n’est donc pas comment produire plus, mais comment répartir mieux.
Devons-nous accepter que nos conditions de vie se dégradent davantage sous prétexte d’une concurrence internationale féroce présentée comme une fatalité ? Ne pouvons-nous pas construire une toute autre société ?
La réduction collective du temps de travail : une nécessité économique mais surtout un projet de société
Si elle n’est pas, seule, « la » solution miracle à nos problèmes socio-économiques, la RCTT est une mesure permettant de s’attaquer sérieusement à plusieurs injustices sociales : créer des emplois de qualité en enrayant le chômage de masse, améliorer la qualité de vie en limitant la place qu’occupe le travail, rééquilibrer le partage des richesses concentrées dans les mains des actionnaires et permettre davantage aux femmes d’accéder à des temps plein et aux droits qui y sont liés (chômage et pension). En travaillant moins, nous pourrions vivre mieux et travailler tous. Et puisque le modèle de création d’emplois basé sur la croissance économique est à bout de souffle et ne pourra plus répondre aux défis de demain, puisque le volume total d’heures de travail disponibles n’augmentera plus significativement, la principale solution d’avenir est de partager ces heures plus équitablement.
Cela semble impossible ? Pourtant, nous l’avons déjà fait à grande échelle depuis plus d’un siècle. Des RCTT ont déjà été obtenues par des luttes sociales à travers l’Europe au cours des 19è et 20ème siècles. En Belgique, nous sommes passés de 84h par semaine en 1890 à 38h en 2003[3].
Cette idée a aussi été concrétisée récemment dans d’autres pays comme la Suède, la France et dans certaines entreprises allemandes. En France, une loi encadrant l’expérimentation a permis à 400 entreprises de passer à la semaine de 32h en 4 jours. Ces entreprises de tailles et de secteurs très différents ont pris le temps de se réorganiser et de former, créant ainsi des milliers d’emplois ! Cela n’a pas entrainé de délocalisation, épouvantail pourtant régulièrement agité par les opposants à la RCTT dont on peut se demander si l’objectif réel n’est pas de maintenir les travailleurs sous pression en agitant le spectre du chômage. Bien sûr ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, qui a le mérite de démontrer la faisabilité concrète de la mesure.
Il existe plusieurs modèles de réduction collective du temps de travail, plus ou moins ambitieux, mettant plus ou moins à contribution les travailleurs, l’Etat ou les actionnaires. Plus notre mobilisation sociale et politique sera massive, plus le nouveau partage du travail que nous construirons sera juste. La remise à l’agenda de cette question est cruciale et urgente. Il est plus que temps de redonner une bouffée d’oxygène à l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils soient travailleurs avec ou sans emploi, jeunes ou moins jeunes, hommes ou femmes !
[1] Source : Conference board – database
[2] Source : OCDE
[3] Sources : Econosphères, SPF Emploi
Liste des signataires
1. Adam Amir, Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB
2. Anne Dufresne, Chercheuse au GRESEA
3. Anne-Françoise Theunissen, Militante féministe
4. Anne-Marie Andrusyszyn, directrice du CEPAG
5. Arnaud Lévêque, GT Travail digne de Tout Autre Chose
6. Arnaud Lismond, Secrétaire général du Collectif Solidarité contre l’exclusion ASBL
7. Bernard Bayot, Directeur, Financité
8. Bruno Bauraind, Secrétaire général du GRESEA
9. Carmen Castellano, Secrétaire générale des FPS
10. Christian Kunsch, Président du MOC
11. Christine Kulakowski, Directrice du CBAI
12. Christine Mahy, Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
13. Christine Pagnoulle, ATTAC Wallonie-Bruxelles
14. Christine Steinbach, Equipes populaires
15. Delphine Houba, Membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt .BE
16. Dietlinde Oppalfens, Coördinator Curieus Brussel (Beleidsmedewerker Curieus Nationaal)
17. Dominique Surleau, Secrétaire générale de Présence et Action Culturelles
18. Dominique Vermeiren, Ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB
19. Eric Goeman, Porte-parole d’ATTAC Vlaanderen
20. Esteban Martinez, Professeur à l’ULB
21. Eugène ERNST, Secrétaire général CSC-Enseignement
22. Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la CNE
23. Ferdi De Ville, Assistant Professor in European Union Studies (Ugent) en lid van de sociaal-progressieve denktank Poliargus
24. Fred Mawet, Secrétaire générale du CGé
25. Geoffrey Guéritte, Ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB
26. Gérard Valenduc, Professeur invité à l’UCL et UNamur
27. Henri Goldman, Rédacteur en chef de la Revue Politique
28. Hugues Le Paige, Directeur de la Revue Politique
29. Jan Buelens, Professeur à l’Universiteit Antwerpen et avocat à Progress Lawyers Network
30. Jean Blairon, Directeur de l’asbl RTA
31. Jean Cornil, Essayiste
32. Jean-François Ramquet, Secrétaire Régional de la FGTB Liège-Huy-Waremme
33. Jean-François Tamellini, Secrétaire fédéral de la FGTB
34. Jean-Jacques Heirwegh, Professeur à l’ULB
35. Jean-Jacques viseur, ancien Ministre des finances
36. Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de l’UNMS
37. Jef Maes, ex secretaire federal FGTB
38. Khadija Khourcha, Responsable nationale Travailleurs sans emploi de la CSC
39. Ludovic Suttor-Sorel, ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB et membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt.BE
40. Ludovic Voet, Responsable national des Jeunes CSC
41. Marc Becker, Secrétaire National, CSC
42. Marc Goblet, Secrétaire général FGTB
43. Marc Jacquemain, Professeur à l’ULg
44. Marc Zune, GT Travail digne de Tout Autre Chose
45. Marcelle Stroobants, Professeure à l’ULB
46. Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale de la CSC
47. Mateo Alaluf, Professeur à l’ULB
48. Michel Cermak, Président du Collectif Roosevelt .BE
49. Nabil Sheikh Hassan, Service d’étude de la CNE
50. Nadine Gouzée, Membre effectif du Club de Rome – Chapitre UE
51. Nicolas Bardos, Professeur émérite à l’UCL
52. Olivier Bonfond, Economiste au CEPAG
53. Olivier De Schutter, Professeur à l’UCL
54. Pascale Vielle, Professeure à l’UCL
55. Philippe Busquin, Ministre d’Etat
56. Philippe Maystadt, Ministre d’Etat
57. Philippe Pochet, chargé de cours invité à l’UCL
58. Pietro Emili, Directeur de la Maison du Peuple d’Europe
59. Robert Cobbaut, Professeur émérite de l’UCL et membre du Collectif Roosevelt .BE
60. Robert Stéphane, Président-fondateur Vidéographie
61. Robert Verteneuil, Secrétaire général de Centrale générale de la FGTB
62. Roger Chaidron, Membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt .BE
63. Rudy Janssens, CGSP-ACOD Bruxelles
64. Sacha Dierckx, doctor in de politieke wetenschappen (UGent) en lid van de sociaal-progressieve denktank Poliargus
65. Sébastien Robeet, GT Travail digne de Tout Autre Chose et Service d’études CNE
66. Sonia Lohest, Présidente des FPS
67. Thierry Bodson, Secrétaire général de l’Interrégionale wallonne de la FGTB
68. Thierry Jacques, Secrétaire fédéral de la CSC Namur-Dinant
69. Thierry Kellner, Professeur à l’ULB
70. Vincent Fanara, Plateforme « Du Temps Pour Nous ! » et membre de la Centrale Jeunes de la FGTB Liège-Huy-Waremme