Belgique : Appel travailler moins pour vivre mieux et travailler tous !

Par Collectif Roosevelt, le 17 février 2017

En Belgique, l’heure est venue de reprendre le mouvement historique de la réduction collective du temps de travail (RCTT) en osant aller à l’encontre du discours dominant laissant croire que l’allongement du temps de travail est inéluctable (projet de loi Peeters, âge de la retraite à 67 ans, etc.) ! 

C’est l’objectif de cet appel initié par Roosevelt.Be avec 70 personnalités, indépendamment de tout parti politique, pour remettre cet enjeu essentiel au cœur du débat de société. 

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Le travail produit cinq fois plus : qui en profite ?

Grâce aux technologies et à l’amélioration du niveau de qualification des travailleurs, la productivité a été multipliée par 5 en 50 ans [1]. Pour produire autant de richesse, il faut donc 5 fois moins d’heures de travail, tous secteurs confondus. Du jamais vu ! Mais qui a capté ces gains de productivité accrus : les entreprises, les actionnaires, l’Etat ou les travailleurs ?

 

Les « trente glorieuses » (1945-1975) ont été marquées par une forte croissance économique et l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre grâce à la RCTT, au développement de la sécurité sociale, à l’amélioration des services publics et à l’augmentation des salaires.

 

Mais, à partir des années ‘80, les gains de productivité ont été principalement captés par les actionnaires de grands groupes, un phénomène aggravé par une concurrence internationale exacerbée par la multiplication des accords de libre-échange. Cela a abouti à une précarisation des travailleurs salariés et indépendants, une explosion du chômage et du temps partiel non choisi, et un détricotage des conquêtes sociales.

Une société déprimée : pas d’alternative ?

 

En Belgique, sur ces 50 dernières années, le chômage a été multiplié par 4 [2] ! Parallèlement, les cadences ainsi que le stress au travail n’ont cessé d’augmenter. Près d’1 travailleur sur 4 ressent du stress excessif au travail. Près d’1 sur 10 souffre de burn-out. En 2016, pour la première fois, les dépenses d’invalidité au travail ont dépassé le budget des allocations de chômage. Et tout ça alors qu’on n’a jamais produit autant qu’aujourd’hui et que les profits n’ont jamais été aussi élevés. Le problème n’est donc pas comment produire plus, mais comment répartir mieux.

 

Devons-nous accepter que nos conditions de vie se dégradent davantage sous prétexte d’une concurrence internationale féroce présentée comme une fatalité ? Ne pouvons-nous pas construire une toute autre société ?

La réduction collective du temps de travail : une nécessité économique mais surtout un projet de société

 

Si elle n’est pas, seule, « la » solution miracle à nos problèmes socio-économiques,  la RCTT est une mesure permettant de s’attaquer sérieusement à plusieurs injustices sociales : créer des emplois de qualité en enrayant le chômage de masse, améliorer la qualité de vie en limitant la place qu’occupe le travail, rééquilibrer le partage des richesses concentrées dans les mains des actionnaires et permettre davantage aux femmes d’accéder à des temps plein et aux droits qui y sont liés (chômage et pension). En travaillant moins, nous pourrions vivre mieux et travailler tous. Et puisque le modèle de création d’emplois basé sur la croissance économique est à bout de souffle et ne pourra plus répondre aux défis de demain, puisque le volume total d’heures de travail disponibles n’augmentera plus significativement, la principale solution d’avenir est de partager ces heures plus équitablement.

 

Cela semble impossible ? Pourtant, nous l’avons déjà fait à grande échelle depuis plus d’un siècle. Des RCTT ont déjà été obtenues par des luttes sociales à travers l’Europe au cours des 19è et 20ème siècles. En Belgique, nous sommes passés de 84h par semaine en 1890 à 38h en 2003[3].

 

Cette idée a aussi été concrétisée récemment dans d’autres pays comme la Suède, la France et dans certaines entreprises allemandes. En France, une loi encadrant l’expérimentation a permis à 400 entreprises de passer à la semaine de 32h en 4 jours. Ces entreprises de tailles et de secteurs très différents ont pris le temps de se réorganiser et de former, créant ainsi des milliers d’emplois ! Cela n’a pas entrainé de délocalisation, épouvantail pourtant régulièrement agité par les opposants à la RCTT dont on peut se demander si l’objectif réel n’est pas de maintenir les travailleurs sous pression en agitant le spectre du chômage. Bien sûr ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, qui a le mérite de démontrer la faisabilité concrète de la mesure.

 

Il existe plusieurs modèles de réduction collective du temps de travail, plus ou moins ambitieux, mettant plus ou moins à contribution les travailleurs, l’Etat ou les actionnaires. Plus notre mobilisation sociale et politique sera massive, plus le nouveau partage du travail que nous construirons sera juste. La remise à l’agenda de cette question est cruciale et urgente. Il est plus que temps de redonner une bouffée d’oxygène à l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils soient travailleurs avec ou sans emploi, jeunes ou moins jeunes, hommes ou femmes !

[1] Source : Conference board – database

[2] Source : OCDE

[3] Sources : Econosphères, SPF Emploi

 

Liste des signataires

1.             Adam Amir, Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB

2.             Anne Dufresne, Chercheuse au GRESEA

3.             Anne-Françoise Theunissen, Militante féministe

4.             Anne-Marie Andrusyszyn, directrice du CEPAG

5.             Arnaud Lévêque, GT Travail digne de Tout Autre Chose

6.             Arnaud Lismond, Secrétaire général du Collectif Solidarité contre l’exclusion ASBL

7.             Bernard Bayot, Directeur, Financité

8.             Bruno Bauraind, Secrétaire général du GRESEA

9.             Carmen Castellano, Secrétaire générale des FPS

10.         Christian Kunsch, Président du MOC

11.         Christine Kulakowski, Directrice du CBAI

12.         Christine Mahy, Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté

13.         Christine Pagnoulle, ATTAC Wallonie-Bruxelles

14.         Christine Steinbach, Equipes populaires

15.         Delphine Houba, Membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt .BE

16.         Dietlinde Oppalfens, Coördinator Curieus Brussel (Beleidsmedewerker Curieus Nationaal)

17.         Dominique Surleau, Secrétaire générale de Présence et Action Culturelles

18.         Dominique Vermeiren, Ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB

19.         Eric Goeman, Porte-parole d’ATTAC Vlaanderen

20.         Esteban Martinez, Professeur à l’ULB

21.         Eugène ERNST, Secrétaire général CSC-Enseignement

22.         Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la CNE

23.         Ferdi De Ville, Assistant Professor in European Union Studies (Ugent) en lid van de sociaal-progressieve denktank Poliargus

24.         Fred Mawet, Secrétaire générale du CGé

25.         Geoffrey Guéritte, Ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB

26.         Gérard Valenduc, Professeur invité à l’UCL et UNamur

27.         Henri Goldman, Rédacteur en chef de la Revue Politique

28.         Hugues Le Paige, Directeur de la Revue Politique

29.         Jan Buelens, Professeur à l’Universiteit Antwerpen et avocat à Progress Lawyers Network

30.         Jean Blairon, Directeur de l’asbl RTA

31.         Jean Cornil, Essayiste

32.         Jean-François Ramquet, Secrétaire Régional de la FGTB Liège-Huy-Waremme

33.         Jean-François Tamellini, Secrétaire fédéral de la FGTB

34.         Jean-Jacques Heirwegh, Professeur à l’ULB

35.         Jean-Jacques viseur, ancien Ministre des finances

36.         Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de l’UNMS

37.         Jef Maes, ex secretaire federal FGTB

38.         Khadija Khourcha, Responsable nationale Travailleurs sans emploi de la CSC

39.         Ludovic Suttor-Sorel, ancien Président du Cercle du Libre Examen de l’ULB et membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt.BE

40.         Ludovic Voet, Responsable national des Jeunes CSC

41.         Marc Becker, Secrétaire National, CSC

42.         Marc Goblet, Secrétaire général FGTB

43.         Marc Jacquemain, Professeur à l’ULg

44.         Marc Zune, GT Travail digne de Tout Autre Chose

45.         Marcelle Stroobants, Professeure à l’ULB

46.         Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale de la CSC

47.         Mateo Alaluf, Professeur à l’ULB

48.         Michel Cermak, Président du Collectif Roosevelt .BE

49.         Nabil Sheikh Hassan, Service d’étude de la CNE

50.         Nadine Gouzée, Membre effectif du Club de Rome – Chapitre UE

51.         Nicolas Bardos, Professeur émérite à l’UCL

52.         Olivier Bonfond, Economiste au CEPAG

53.         Olivier De Schutter, Professeur à l’UCL

54.         Pascale Vielle, Professeure à l’UCL

55.         Philippe Busquin, Ministre d’Etat

56.         Philippe Maystadt, Ministre d’Etat

57.         Philippe Pochet, chargé de cours invité à l’UCL

58.         Pietro Emili, Directeur de la Maison du Peuple d’Europe

59.         Robert Cobbaut, Professeur émérite de l’UCL et membre du Collectif Roosevelt .BE

60.         Robert Stéphane, Président-fondateur Vidéographie

61.         Robert Verteneuil, Secrétaire général de Centrale générale de la FGTB

62.         Roger Chaidron, Membre du GT Partage du temps de travail du Collectif Roosevelt .BE

63.         Rudy Janssens, CGSP-ACOD Bruxelles

64.         Sacha Dierckx, doctor in de politieke wetenschappen (UGent) en lid van de sociaal-progressieve denktank Poliargus

65.         Sébastien Robeet, GT Travail digne de Tout Autre Chose et Service d’études CNE

66.         Sonia Lohest, Présidente des FPS

67.         Thierry Bodson, Secrétaire général de l’Interrégionale wallonne de la FGTB

68.         Thierry Jacques, Secrétaire fédéral de la CSC Namur-Dinant

69.         Thierry Kellner, Professeur à l’ULB

70.         Vincent Fanara, Plateforme « Du Temps Pour Nous ! » et membre de la Centrale Jeunes de la FGTB Liège-Huy-Waremme