Contre-Argumentaires
Le chômage c’est parceque les chômeurs ne veulent pas travailler?
600 000 emplois vacants : les chômeurs veulent-ils vraiment travailler ?
- « Certains ne veulent pas se mettre au travail. » Nicolas Sarkozy, 2008
- « Six cent mille emplois vacants : les chômeurs veulent-ils vraiment travailler ? » Jean-Marc Morandini, 2014
A écouter de nombreux discours sur les emplois vacants ou non pourvus, la France serait assise sur d’immenses gisements de travail salarié. Pourtant, les chiffres mis en avant ne signifient pas ce que l’on cherche à leur faire dire.
Tout d’abord, les emplois non pourvus sont confondus avec les emplois vacants et mélangés avec les difficultés de recrutement estimées chaque année par Pôle emploi.
- Emplois non pourvus : Il s’agit des offres d’emplois clôturées sans qu’il n’y ait eu de recrutement. Autrement dit, après avoir déposé une offre et reçu ou non des candidats, une employeur décide de la retirer. Les raisons sont diverses. Le besoin de recrutement peut avoir disparu ou le profil recherché n’a pas été trouvé. La clôture de l’offre ne signifie pas que l’employeur cesse ses recherches.
- Emplois vacants : La définition est établie par Eurostat. Il s’agit des postes libres (nouvellement créés ou inoccupés) ou occupés mais sur le point de se libérer, pour lesquels l’employeur a engagé des démarches actives de recrutement. Ces données sont très volatiles, les études correspondent plus à une photographie qu’à une analyse de long terme.
En France on comptait au moins 180.000 emplois vacants en 2012, selon l’enquête de la Dares (enquête trimestrielle ACEMO). Celle-ci porte sur le secteur concurrentiel et exclut plusieurs secteurs de son calcul, notamment les emplois dans les administrations publiques et dans certaines associations. Une enquête annuelle plus large dite « Besoins en main-d’œuvre » ou BMO , diligentée par Pôle emploi fin 2014 à pour sa part annoncé 1,4 million d’emplois non pourvus. Cela a été repris par tous les grands médias, sans aucune analyse pertinente.
Selon les employeurs, ces difficultés sont le plus souvent liées à la pénurie de candidats, à l’inadéquation des profils. La formation et le renforcement du contrôle des chômeurs. sont les solutions les plus souvent envisagées par le patronat pour y répondre.
Le débat sur les emplois non pourvus se concentre donc sur l’inadéquation supposée entre les compétences des candidats et les besoins des entreprises. La réponse classiquement apportée consiste à former les demandeurs d’emploi et/ou les jeunes aux « métiers qui recrutent ». Cette inadéquation n’explique toutefois qu’une part très limitée des emplois vacants. Ceux-ci sont essentiellement liés, d’une part au fonctionnement « normal » du marché du travail qui implique une durée incompressible de recrutement et, d’autre part, à l’inexpérience des recruteurs qui conduit à des échecs, plus fréquents dans les petites entreprises.
En effet l’existence des emplois vacants ne vient pas nécessairement des candidats mais aussi des entreprises. Un tiers des offres sont définitivement annulées parce que le besoin de recrutement a disparu. Des problématiques financières entrent également en jeu, 16% des abandons résultent de budgets insuffisants.
Mais surtout, les conditions des offres, notamment en termes de temps de travail, de rémunérations et de mobilité géographique, ne sont pas toujours en adéquation avec les aspirations des candidats. En 2015, la moitié de ces postes étaient des CDD de moins de six mois et 39,3% des recrutement annoncés comme possibles était des emplois saisonniers.
De plus, en 2014, il y avait trois fois moins d’emplois vacants en France que dans la moyenne de l’Europe ; seules l’Italie, la Pologne et la Lettonie affichent un taux moindre.
Pour certains métiers dits « en tension », où les employeurs éprouvent des difficultés à pourvoir des postes ouverts au recrutement, l’origine principale de la tension est que l’emploi offert n’est pas un véritable « emploi dont on peut vivre décemment ». C’est même assez souvent un emploi qui vous enferme dans la pauvreté salariale et dans la précarité.
La question fondamentale de la politique d’emploi demeure l’accroissement du nombre d’offres, et pas leur pourvoi intégral. L’idée qu’il y aurait un stock comme ça d’emplois, que personne ne voudrait prendre, est erronée.
On ne peut plus donc laisser entendre qu’un certain nombre de chômeurs, voire pour certains les chômeurs en général, sont installés confortablement dans cette situation, avec des indemnités généreuses qui les dissuadent de chercher véritablement du travail et quand on leur on en a généreusement proposé un de le refuser au nom de conditions moins favorables.
Renforcer le contrôle des chômeurs peut faire baisser le chômage
Différentes études économiques montrent que supprimer tout contrôle de la recherche d’emploi mène à une augmentation significative de la durée du chômage. Il est donc logique d’imposer au moins un contrôle minimal. La question est alors : quel est le bon niveau de contrôle ?
Aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, le renforcement de ce contrôle a été testé, sans succès. En effet, les chômeurs n’ont pas retrouvé d’emploi plus rapidement. Dans le Maryland, aux Etats-Unis, les chômeurs ont dû envoyer deux fois plus de candidatures (quatre au lieu de deux par semaine), ou se soumettre à un contrôle accru quant à la réalité de ces candidatures. Le retour à l’emploi n’a pas augmenté
Cette mesure n’est pas seulement inefficace, elle peut même avoir des effets négatifs. Le Royaume-Uni a réformé son système d’assurance chômage au milieu des années 90. Selon le nouveau régime, les chômeurs doivent signer un contrat où ils promettent d’envoyer un certain nombre de candidatures, et d’en tenir un journal détaillé. Ce journal est vérifié lors d’une interview tous les quinze jours. Et ce n’est qu’une partie des démarches auxquelles sont soumis les chômeurs pour continuer à percevoir leurs allocations.
La recherche montre que ce nouveau système a imposé un tel effort aux chômeurs qu’un certain nombre d’entre eux se sont découragés et ont complètement arrêté de chercher un emploi et certains sont passés aux allocations pour handicapés. Au final, le retour à l’emploi a diminué.
De même, lorsque les sanctions poussent les gens à trouver un emploi plus vite, cela n’a pas forcément l’impact positif attendu. Ainsi, l’expérience suisse montre que les sanctions poussent les gens à prendre des emplois qui sont moins bien payés et moins stables, si bien qu’ils se retrouvent plus souvent de nouveau au chômage. Ensuite, quand le taux de chômage est élevé, la compétition est féroce, et pousser certains chômeurs à prendre un emploi en dessous de leurs compétences pour aller plus vite ne fait qu’ôter ces emplois à d’autres chômeurs moins qualifiés.
Toutes les expériences du même type menées dans d’autres pays obtiennent des résultats négatifs. Les effets pervers peuvent être très étendus : comme une diminution de la qualité de l’emploi, voire un retrait total du marché du travail parmi les chômeurs découragés.
Le renforcement des contrôles pousse les demandeurs à se concentrer sur la première offre, en attachant moins d’importance à son contenu, « ainsi la qualité de l’emploi retrouvé diminue, ainsi que sa pérennité.
En France, aujourd’hui, un chômeur inscrit à Pôle emploi, qui refuse deux offres raisonnables d’emploi se voit radié de l’agence et perd ainsi ses indemnités. Une offre est considérée comme raisonnable si elle correspond aux critères de l’emploi recherché en matière de compétence et de qualification et si elle se situe à moins d’une heure en transport en commun du domicile ou à moins de 30 km du domicile du demandeur. A cela s’ajoute le critère de la rémunération qui doit être, équivalant au salaire du dernier poste occupé, puis à 85% de ce salaire au bout de six mois de recherche et enfin au montant des allocations chômage à partir d’un an.
Pôle Emploi a publié en 2014 les résultats d’expérimentations en région sur des contrôles de chômeurs qui ne jouent pas le jeu de la recherche active d’emploi. Le taux de fraude est en réalité marginal et entraîne dans la plupart des cas des radiations d’une durée moyenne de 15 jours. Rappelons que le taux de radiation, toutes causes confondues, reste faible et stable.
Au final, ce débat s’insère donc dans l’idée d’une individualisation des causes du chômage, en mettant en avant la responsabilité du chômeur et en occultant les causes macro-économiques. C’est un jeu de chaises musicales, la pression exercée sur certains les pousse à accepter des offres, mais ils prennent la place d’autres. En net, c’est un jeu à somme nulle .
Le chômage c’est parceque les Français ne travaillent pas assez ?
Permettre aux salariés de travailler plus crée mathématiquement de la croissance
Les Français travaillent déjà moins que les autres
Le travail ne peut pas se partager ?
La RTT ne crée pas d'emplois, c'est la croissance et les exonérations de cotisations qui ont permis de créer des emplois lors du passage aux 35 h
La RTT suffit-elle à faire baisser le chômage ou doit-elle être accompagnée d’autres mesures ?
Les 35 heures ont-elles détruit des emplois ?
L’estimation citée par le rapport de l’IGAS, résulte des travaux menés par la Dares et l’Insee, publiés dans le numéro 376-377 d’Economie et Statistiques. A l’époque, ils ont fait l’unanimité : même Pierre CAHUC les approuvait, lui qui affirme aujourd’hui : « Réduire le temps de travail ne crée pas d’emploi, c’est scientifiquement prouvé».
Rappelons les faits : entre 1998 et 2002, période de mise en œuvre des 35 h, les créations d’emploi ont battu tous les records : 2 millions d’emplois supplémentaires, soit 400 000 par an en moyenne. C’est sans commune mesure avec ce qui s’est passé pendant les quarante dernières années, même pendant les périodes de plus forte croissance (245 000 emplois supplémentaires chaque année entre 2004 et 2007). Et les pourfendeurs des 35 h n’avancent aucune explication pour cette progression sans précédent de l’emploi salarié…
Imputer à la RTT 350 000 emplois sur les 2 millions (17,5 % seulement) constitue en réalité un chiffrage très prudent.
Les étrangers nous volent nos emplois
Avec le chômage, une partie de la population des pays développés se montre hostile à l’immigration, craignant que celle-ci dégrade davantage encore le marché du travail.
Les études montrent pourtant que l’effet de l’immigration en France est positif sur l’économie (+4 milliards d’euros par an selon une étude l’Université de Lille) ou pèse faiblement (-10 milliards d’euros selon l’OCDE). L’affirmation que l’immigration serait la cause du chômage en prenant le travail des natifs est fausse. L’OCDE n’a pu mettre en lumière aucun lien entre les taux de chômage et le poids des immigrés dans la population active.
Les immigrés restent cependant globalement mal lotis sur le marché du travail. A niveau de qualification égal, les immigrés ont des salaires inférieurs de 2 % à 3 % à ceux des natifs. Leurs conditions de travail sont plus difficiles : ils travaillent plus souvent le week-end et à des horaires tardifs.
De plus, l’accès aux emplois de la fonction publique, aux professions libérales et à de nombreuses professions indépendantes est restreint, voire interdit, pour les immigrés, ce qui réduit d’autant leur probabilité de trouver un emploi. Les conditions de leur accès aux minima sociaux sont plus limitatives – par exemple les étrangers hors Union européenne ne peuvent en bénéficier que s’ils disposent d’un titre de séjour depuis plus de cinq ans -, ce qui accroît pour eux le coût du non-emploi.
De fait, le taux de chômage des immigrés est deux fois plus élevé en France que celui des natifs. Ils sont aussi particulièrement exposés aux discriminations : les employeurs peuvent être réticents à les embaucher parce qu’ils les pensent, en moyenne, moins compétents que les natifs. En les excluant ainsi de l’emploi, ils les empêchent effectivement de gagner des compétences en travaillant.
Tout cela incite les immigrés à accepter des emplois de moins bonne qualité, notamment ceux que délaissent les natifs, ce qui peut pousser les entreprises à dégrader les conditions de travail pour l’ensemble des salariés. Mais si les conditions d’accès des immigrés aux minima sociaux et à l’emploi étaient davantage restreintes encore, comme l’appellent certains de leurs voeux, cela ne pourrait en fait que dégrader davantage encore la situation des natifs.
Par ailleurs, les immigrés et leurs familles vont nécessairement consommer. Leur arrivée contribue donc à accroître la demande adressée aux entreprises et les incite à embaucher. Comme les immigrés sont souvent en âge de travailler, ils contribuent aussi davantage aux prélèvements obligatoires, ce qui allège les finances publiques.
Enfin, l’immigration peut stimuler la productivité : c’est évidemment le cas si les immigrés sont qualifiés, mais cela peut aussi être le cas s’ils le sont peu, car leurs qualifications peuvent être complémentaires à celles des natifs.
Florence Jaumotte, Ksenia Koloskova et Sweta Saxena montrent ainsi que l’immigration accroît le niveau de vie dans les pays développés. Une hausse d’un point de pourcentage de la part des migrants parmi les adultes s’accompagne d’une hausse du PIB par tête de plus de 2 % à long terme.
La RTT est une catastrophe pour l’économie ?
La RTT a réduit les marges des entreprises et nui à la compétitivité de la France
La RTT coûte trop cher à l'Etat et au contribuable
Les salariés perdants de la RTT ?
La réduction du temps de travail diminue les revenus de tous les travailleurs
La réduction du temps de travail oblige à faire le même travail en moins de temps
RTT = intensification du travail salarié, dégradation des conditions de travail, stress, etc.
Les Français préfèrent gagner plus que travailler moins (argent vs RTT)
Réduire encore le TT, c'est risquer une multiplication des temps partiels subis
La réduction du temps de travail est dangereuse pour les entreprises ?
La durée du travail doit être négociée dans les entreprises
La RTT est inapplicable dans les PME
Il est impossible d'évaluer un temps de travail précis pour de nombreuses professions
La réduction du temps de travail complique l’organisation du travail
Les français ont renoncé à la valeur travail ?
Le travail n'est plus aliénant, vouloir passer aux 32 h, c'est faire preuve de fainéantise
Le temps de travail n’est plus une mesure pertinente ?
Le temps de travail est-il une notion du siècle dernier ?
Pour certains commentateurs, la notion de temps de travail est dépassée et les protections mises en place par le code du travail sont obsolètes. La vie des salariés continue néanmoins de se partager entre plusieurs temps (de travail, de transport, de prise en charge des enfants) et d’être contraintes par des horaires (ceux du train, de la crèche,…) ; toute heure consacrée en plus au travail est une heure en moins pour la vie personnelle, et le besoin de coupure entre les deux demeure. Il importe donc de garder une mesure du temps, une évaluation de la charge de travail, de reconnaître le « droit à la déconnexion » afin d’établir des compromis équilibrés entre employeur et salariés.
Il y aura toujours un écart immense de temps de travail entre les cadres et les autres salariés
Nous n’avons pas les moyens financiers ?
Il y a déjà trop de dépenses publiques en France
Si l’on quitte la photo pour passer au film, l’OFCE note que la hausse des dépenses publiques survenue entre 1980 et 2015 s’explique quasi intégralement par celle des dépenses sociales, la moitié de cette augmentation étant intervenue entre 2007 et 2015 du fait de la crise. Le poste des subventions accordées aux entreprises a également connu un surcroît de dépenses : l’ensemble des aides représente désormais l’équivalent de 2,5 points de PIB. Quelles seraient les conséquences macroéconomiques d’une réduction des dépenses ? Une telle réduction affaiblit la demande publique. Et comme les transferts sociaux représentent la moitié des revenus des ménages, cela restreint également la consommation. Au total, selon l’OFCE, une diminution de 1 point de PIB des dépenses publiques entraîne une baisse du PIB de 0,6 % la première année, de 0,9 % les deux années suivantes et continue à avoir un impact négatif pendant cinq ans.